7 octobre 2021

Podcast Europe 1 Studio
Ses parents ont d’abord mal accepté son homosexualité : "C’était un scénario catastrophe"

Quand Fanny a annoncé à ses parents qu’elle était homosexuelle, ils ont mal accueilli la nouvelle. Son père ne lui a plus parlé pendant trois mois. Aujourd’hui, la situation s’est apaisée et ses parents ont accepté son homosexualité. La famille de Fanny raconte à Olivier Delacroix l’histoire de son coming out.
TÉMOIGNAGE

Fanny a pris conscience de son homosexualité quand elle avait 15 ans. Elle l’a d’abord cachée à ses parents pendant deux ans, par peur de leur réaction. Après avoir finalement fait son coming out, elle raconte que ses parents l’ont d’abord mal accepté. Son père ne lui a plus adressé la parole. Aujourd’hui, leurs relations sont apaisées et la famille aborde le sujet de l’homosexualité de Fanny plus sereinement. Ils confient à Olivier Delacroix comment ils ont chacun vécu son coming out et évoquent leur chemin vers l’acceptation de son homosexualité.

Fanny se souvient du jour où elle a compris qu’elle était homosexuelle. Elle avait invité une amie à dormir chez elle : "Les choses ont dérapé, on a commencé à s'embrasser. Je me suis dit que ça n'avait rien à voir avec les garçons avec qui j'étais sorti à l'époque, que c'était super bien et que je voulais recommencer. Je n’ai pas mis le mot ‘homosexuelle’ ou ‘lesbienne’ dessus. J'aimais simplement les filles. Ça m'a ouvert les yeux. On se rend compte que quand on regarde une série, on trouve des filles mignonnes, mais jamais des garçons.

 

Je l’ai caché à mes parents pendant deux ans. J'ai été de peine de cœur en peine de cœur avec cette meilleure amie. Je n'en pouvais plus. Mes parents voyaient que ça n'allait pas. Ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour m'aider, mais je ne pouvais pas leur dire. J'avais trop peur de leur réaction. Ça a commencé à aller mieux quand mon frère l'a su. Je revenais de la gym effondrée et mon frère m’a demandé ce que j’avais. Je lui ai dit : ‘Je suis lesbienne et je viens de me disputer avec la fille qui n'est pas ma copine, mais qui me plaît’. Mon frère l'a très bien pris. Du jour au lendemain, ça allait beaucoup mieux parce qu'on a pu en parler."

" On ne choisit pas "

La jeune fille explique les raisons qui l’ont finalement poussée à en parler à ses parents : "Un jour, je me suis rendu compte que mes parents pouvaient en penser ce qu'ils voulaient, je serai toujours comme ça. Je suis née comme ça. On ne choisit pas. C'était une évidence qu'il fallait que je leur dise parce que c'est une partie de ma vie et ils font partie de ma vie. Je ne pouvais pas leur cacher. Ça a été un scénario catastrophe. Je les ai convoqués dans ma chambre et leur ai dit : ‘Papa, maman, j’ai quelque chose à vous dire’. 

Les mots ne sortaient pas. On a beau tout essayer, le mot ‘lesbienne’ ne sort jamais. Je n’ai pas dit ‘lesbienne’, j’ai dit ‘gay’. Cataclysme. Ils demandaient : ‘Pourquoi ? Qu’est-ce qu'on a fait de mal ? Tu es sûre que ce n'est pas qu’une expérience ? C'est juste une passade. Tu vas redevenir hétéro, ne t'inquiète pas. Comment tu sais que tu es lesbienne ?’ C’était une déferlante de questions auxquelles je n'ai pas pu répondre parce que ça allait trop vite et que je n'osais pas tout leur dévoiler d'un coup. J’avais l'impression de leur avoir menti pendant très longtemps et j'étais très mal à l'aise. 

Je pense que c'est plus difficile de l'annoncer à sa mère parce que c'est une femme. Mon père n'a pas réagi. Il a arrêté de me parler. Je rentrais à la maison, il ne me disait plus bonjour. Si je lui demandais de me passer le sel, il ne le faisait pas. Trois mois, c'est long. Puis un jour, je suis rentrée à la maison et il m'a dit bonjour. De fil en aiguille, c'est revenu. Je n’ai jamais eu de conversation en tête à tête avec lui, parce qu’il est très pudique. Il ne parle pas des choses qui le touchent. Je respecte. Maintenant, quand on est en famille, il en parle sans souci."

" Le ciel nous est tombé sur la tête quand elle nous l'a annoncé "

Le frère de Fanny, Clément, a 20 ans et affirme appartenir à une génération plus tolérante : "Quand je dis à mes copains qui me demandent de leur présenter ma sœur, qu’elle est lesbienne, ils ne savent pas quoi répondre sur le coup. Ensuite, la discussion reprend. Ce n'est pas un gros dossier. C’est normal. C’est ma sœur, je n'ai pas changé de point de vue. Ça n’a rien changé. Quand j'étais petit, j'avais peur qu'elle me pique ma copine. Au début, les parents ont vraiment eu du mal. Ils n’en parlaient pas."

Patrice, le père de Fanny, raconte comment il a vécu son coming out : "On ne se doutait de rien. Le ciel nous est tombé sur la tête quand elle nous l'a annoncé. On pensait qu'elle était enceinte quand elle nous a convoqués dans sa chambre. C'était l'année du bac, on s'est dit que c’était la catastrophe. On se demande si on n'a pas raté quelque chose dans l'éducation. On se pose plein de questions. 

Après, on en a parlé entre nous et avec nos amis. Des amis m’ont demandé : ‘Tu n’avais jamais vu que Fanny n'avait pas de photos d'hommes dans sa chambre ?’ Effectivement, elle n’avait que des photos de femmes. On n'y aurait jamais pensé. On ne calcule pas ça. Ce n’est pas une honte. Pas du tout. Ce qui m'a le plus dérangé, c’était le fait que je ne serais pas grand-père. Maintenant, il y a des moyens pour qu’elle ait des enfants ou qu'elle en adopte. J'espère que je serai grand-père. 

Les parents qui refusent l’homosexualité de leur enfant passent à côté de quelque chose. Ce n'est pas à nous de choisir et de dire : ‘Tu fais ci et tu es comme ça’. On est des êtres humains. On a la chance d'être en France et de pouvoir faire ce qu'on veut quand on veut. Ça nous a fait évoluer. Avec le recul, ça nous ouvre de nouveaux horizons. On n'a pas la même vision des choses et le même regard sur la vie."

" Ce n'est pas que ce n'est pas acceptable, c'est que c'est douloureux "

La mère de Fanny, Joëlle, se souvient de la période qui a précédé son coming out : "Je voyais bien que quelque chose n'allait pas. Elle était triste, ne parlait plus et n'avait plus envie de faire grand-chose. Quand Fanny ne va pas bien, elle ne dit rien. On ne peut pas lui tirer les vers du nez. Elle se renferme. Les parents, nous nous inquiétons, sans imaginer une seconde ce qu’il peut se passer. On se fait des tas de scénarios, mais pas celui-là. Je pensais qu'il y avait des histoires de cœur. Je pensais à des histoires de petit copain, mais pas de petite copine. 

Quand elle a commencé à ne pas aller bien, ça ne marchait plus à l'école. Tout est lié. Elle a toujours été très bonne à l'école jusqu'en Troisième. À partir de la Seconde, elle a plongé. Les trois années de lycée ont été des années difficiles pour elle. Je mettais ça sur le plan de l'échec scolaire, jusqu'au jour où elle nous a annoncé son homosexualité. Le ciel nous tombe sur la tête et la Terre arrête de tourner, parce qu'il faut l'accepter. Les choses allaient se passer différemment. Au début, ce n'est pas que ce n'est pas acceptable, c'est que c'est douloureux."

" On est là pour aimer nos enfants comme ils sont "

Avant que Fanny ne révèle son homosexualité, sa mère disait être tolérante : "Je faisais de grands discours. Je me souviens avoir dit : ‘Ce n'est pas un choix, ils sont comme ça, point.’ Quand on n'est pas concerné, c'est très facile. En revanche, quand ça nous est tombé dessus, ça a été un moment difficile. Aujourd’hui, je l’accepte. Dans certaines familles, ça se passe différemment. On a des enfants, il faut les aider. Ces enfants différents ont encore plus besoin de soutien. Ça arrive qu’ils soient reniés, mis à la porte et insultés. Je n'envisage pas une seconde d'être fâchée avec mes enfants, quoi qu'ils aient fait. On est là pour aimer nos enfants comme ils sont."

Joëlle se rend compte que sa fille se sent mieux depuis qu’elle et son mari ont accepté son homosexualité : "Je pense que Fanny est contente. Elle a bien vu que ça nous avait perturbés. Depuis quelques temps, elle est beaucoup plus épanouie. Elle a aussi rencontré quelqu'un. Ça participe à son épanouissement. Les choses sont très claires. On en parle ouvertement. C'est simple. La vie est belle." Joëlle admet cependant avoir des craintes : "J’ai du mal quand même. Fanny le sait, mais j'aimerais que ce soit autrement. 

J'aimerais qu'elle ne soit pas lesbienne. Ce n'est pas par rapport au fait que je sois hétérosexuelle, c'est par rapport à tous les ennuis qu'elle aura, parce qu'elle en aura. La différence n’est pas toujours bien acceptée. Ça n’évolue pas suffisamment. Avec le reste de la famille, il n’y a pas eu de mensonges, mais des non-dits. Les parents de Patrice ne sont pas au courant. Je veux montrer qu'on vit normalement. Notre fille a une vie sexuelle différente, mais elle n'est pas malade et ne suit pas une mode. Sa vie et la nôtre sont normales."

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